Il y a quelques semaines un film est passé à la télé :
Marion, 13 ans pour toujours. J’avoue je ne l’ai pas regardé, ce sujet est trop
difficile pour mon cœur de maman.
Depuis la diffusion de ce film, je vois
beaucoup de discussion sur les réseaux sociaux de personnes qui le vivent, ou
qui ont un avis sur la question. Du coup, j’avais envie de partager avec vous
ma modeste expérience. Je dis modeste car nous avons eu la chance d’en sortir
(au bout de 2 ans) en changeant d’école et sans trop de séquelles.
Malheureusement ce n’est pas le cas de tout le monde et quand je lis quelques
témoignages je crois que dans notre malheur, nous avons eu de la chance.
Voilà notre histoire :
Il faut savoir que notre fille a un retard de croissance,
donc lors de sa rentrée en CP elle avait la taille d’une enfant de 3 ans. Elle se retrouvait donc avec des enfants de 6 à 10 ans (voir plus
puisqu’il y avait dans son école une classe de
CLIS). Le jour de la rentrée en CP à 8h30, nous voilà
donc arrivés dans sa nouvelle école avec 450 autres élèves (environ et presque
autant de parents) entassé dans la cour en essayant de savoir quoi faire. Nous avons fini par trouver son nom sur une
liste et attendu la maîtresse avec elle. Une autre maman a eu la délicatesse,
en voyant que nous attendions au même endroit, de me demander où était
mon enfant qui rentrait en CP. Je lui ai présenté Anaïs. Quelle ne fut pas ma
surprise quand cette « charmante » dame m’a agressé en me disant
qu’elle ne devrait pas rentrer en CP à son âge et qu’elle devrait continuer en
maternelle. J’étais tellement surprise que j’ai juste réussi à lui dire qu’elle
aurai 3 ans en décembre et qu’elle était plus que prête pour le CP. Déjà cela m'a mise dans l'ambiance et dans de bonnes dispositions pour l'appréhension de sa scolarité.
La première journée se passe, je récupère ma fille le soir
après l’école. J’essaye de savoir comment c’est passé sa journée, si elle a
retrouvé des copines (malheureusement non elle n'en a pas dans
sa classe), si la maîtresse a l’air gentille, où elle est placée dans la classe
(au fond parce qu’elle est rentrée la dernière). Je n’ai pas beaucoup de
réponse mais elle fait ces premiers devoirs avec plaisir donc je ne m’inquiète
pas. Le lendemain, je la dépose à l’école en pleurs et heureusement une de ses
copines de maternelle arrive et l’accompagne dans la cour. Je pars au boulot
le cœur un peu lourd mais je me dis que c’est juste passager et qu’elle va vite
se faire de nouvelles copines et trouver ses marques.
Tous les matins c’est pareil : des pleurs à m’en fendre
le cœur, elle s’accroche à moi et avec une ou 2 copines de maternelle nous
arrivons à la faire entrer dans l’école. Plusieurs fois, j’ai demandé aux
maîtresses qui s’occupent de l’entrée de la prendre en charge pour qu’elle puisse être
rassurée d’être avec d’autres adultes mais ce n'est pas leur rôle ou elle se contente de la déposer derrière la grille. J’en parle à la maîtresse lors de la
réunion de rentrée pour savoir comment cela se passe en classe. Là j’apprends
qu’Anaïs s’est perdue dans l’école le premier jour parce qu’elle ne trouvait
pas sa classe après la récréation (personne ne m’avait prévenu) et qu’elle
était restée dans un couloir en pleurant jusqu’à ce qu’une personne d’entretien
la voit mais qu'elle n’avait
rien remarqué d'autre, que c’est une petite fille très calme et un peu timide. Je lui
parle aussi du fait qu’elle est derrière et qu’elle ne voit pas
toujours au tableau parce qu’il y a un grand devant. La maîtresse en prends
note.
L’année avance avec quelques petits incidents et toujours
des difficultés le matin pour aller à l’école : des pleurs, des maux de
ventre, des maux de tête (quelques absences à cause de ça). Je me pose des
questions mais je ne veux pas faire la mère angoissée et chiante à toujours
questionner la maîtresse mais j’avoue je m’inquiète pour ma fille. Quelques
exemples :
- Le jour de la photo de classe, ma fille qui est
propre sans jamais un seul accident depuis ces 2 ans, se fait pipi dessus. Pourquoi ? personne ne sait.
- Un matin, je regarde de l’extérieur de la grille
comment cela se passe et je vois un groupe de grands enfants venir vers Anaïs,
la prendre dans leurs bras, la porter comme si c’était une poupée. J’essaye
d’interpeller les maîtresses qui surveillent l’entrée de l’école mais elles
m’ignorent (ou ne m’entendent pas). Ma fille ne dit rien comme si elle était en chiffon, heureusement quelques copines interviennent et « reprennent » ma fille pour
l’emmener jouer avec elle.
- Quasiment chaque semaine, je dois refaire la
trousse complète qui est vide. Elle perd ses affaires de classe, ses gilets.
Courant janvier, je prends RDV
avec la maîtresse pour savoir comment cela se passe en classe car nous, à la
maison, on commence à vivre un enfer. Je suis arrêtée car je suis enceinte de
N°3 et du coup, j’en profite pour aller chercher les enfants à l’école à
16h30. C’est donc moi qui supervise les devoirs maintenant et j’avoue que ce
n’est pas une sinécure. Elle refuse catégoriquement de les faire avec des
pleurs, des cris. Pourtant elle aime apprendre ça c’est une certitude. Mon RDV
avec la maîtresse me laisse un gout amer et une impression mitigée. D’après la
maîtresse, Anaïs est une élève modèle qui ne fait pas de bruit en classe, ne
parle que si on lui demande et assimile très bien les choses. J’ai même droit à
un « Si tous les élèves était comme elle, notre métier serait vraiment
plus simple ». je lui parle du comportement d’Anaïs à la maison : les
pleurs matin et soir pour ne pas aller à l’école où ne pas faire ces devoirs,
je lui raconte l’histoire de la cour de récréation, le fait que ses affaires
disparaissent en permanence et j’avoue que ses réponses me laissent perplexes
et me culpabilisent aussi un peu :
- Ma fille ne veut pas aller à l’école parce
qu’elle va avoir un petit frère et qu’elle me le fait payer (prends ça dans ta
tête mère indigne),
- c’est normal qu’elle perde ses affaires parce
qu’elle a encore du mal à s’organiser et qu'elle ne peut pas
tout porter (j’ai qu’à apprendre à ma fille à faire attention à ses affaires et trouver des solutions pour qu'elle s'adapte)
- ce n’est pas méchant de la part des grands c’est
surement la classe de CLIS parce qu’ils aiment bien Anaïs parce qu’elle est
petite (tout ce qui est petit est mignon et puis ils sont pas méchants, ils sont juste limités)
L'année passe mais les
pleurs et les ennuis s’amplifient pour nous. Je prends sur moi en me disant que
c’est un peu de notre faute, qu’on ne sait pas gérer (quelle idée de faire un
petit frère l’année de l’entrée en CP). Les maux de ventre s’intensifient, ma
fille ne veut plus s’endormir le soir parce qu’elle ne veut pas aller à l’école
le lendemain, le matin elle pleure et elle ne veut pas manger. Elle est malade en
permanence; maigri. La pédiatre que nous avons à cette époque n’est pas vraiment d’une
grande aide et tout aussi culpabilisante.
Désespérés de ne pas avoir de solution qui nous sont proposées, nous décidons de faire une
demande pour inscrire notre fille dans l’école privée de notre ville. Bien sûr
elle est rejetée et c’est trop tard pour la rentrée prochaine.
L’année se termine,
les vacances se passent très bien plus de pleurs, plus de maux.
La rentrée arrive et le calvaire
recommence. Les affaires de ma fille continuent de disparaître, ses vêtements sont
abîmés (découpés, griffonnés, etc.). Elle oublie ses affaires pour faire ses
devoirs qui ne sont pas fait à l’étude. Je prends RDV avec la maîtresse qui me
tient à peu près le même discours que celle de l’année d’avant : « si
tous les élèves pouvaient être comme Anaïs se serait super, elle ne parle pas en
classe, travaille et comprends très bien. » Du coup, Anaïs doit s’occuper
d’un camarade qui a des difficultés. Je lui parle des devoirs, des affaires
oubliées, etc. Pour elle pas d’inquiétude, les devoirs sont fait à l’étude
puisqu’Anaïs aide justement son camarade et elle vérifie le cartable du petit
garçon donc elle en est capable. Et puis pour elle, ce n’est pas grave puisqu’elle n'a pas besoin de travailler en dehors de la
classe (les devoirs c’est fait uniquement pour ceux qui en ont besoin).
Les incidents se multiplient, Anaïs
ne dit rien, elle s’enferme de plus en plus. Je n’en parle pas non plus de peur
d’aggraver le problème et de focaliser sur ce qui ne va pas. Je suis un peu perdue aussi.
Un jour, elle
revient avec une mèche de cheveux coupée, elle me dit que c’est un petit garçon (elle refuse de le nommer) qui jouait
avec ses ciseaux et qu'il n'a pas fait exprès. A chaque
petits incidents que je remarque et où j'essaye d'en savoir un peu plus, ma fille minimise en me disant que ce n’est pas la faute des
autres. Chaque fois que je m’aperçois de quelque chose, je lui demande si elle
l’a dit aux adultes responsables mais quand elle veut bien me répondre j’ai
droit à un « non parce qu’elles sont occupées et qu’elles ne m’entendent
pas ».
J’essaye d’avoir un RDV avec la
maîtresse mais elle ne voit pas l’intérêt car tout se passe bien avec Anaïs. Je
mets des mots dans le cahier et les réponses sont quasiment toujours les mêmes,
« elle en prend note ».
Jusqu’au jour où ma fille rentre avec
des marques de strangulations et de griffures sur le cou. Pour la première
fois, j’ai un mot de la maîtresse dans le cahier : « Il y a eu un
incident aujourd’hui dans la cour, le jeu a dégénéré. Le petit garçon a été
puni ».
Je boue à l’intérieur, je suis
prête à exploser. J’appelle pour savoir ce qui s’est passé. On me raconte que
pendant la récréation, les enfants jouaient à Cola-maillard et un garçon
s’est laissé emporter par le jeu et qu’il a serré trop fort Anaïs en
l’attrapant. Qu’Anaïs allait bien donc ils ne nous ont pas appelé. Je fulmine,
je me demande ce qu'ils attendent pour réagir. La punition s'est résumée à obliger le fautif à faire des tours de cour à la récréation d'après.
J’en parle à la mère d’un copain de mon fils qui est institutrice. Elle parait gênée m’explique
qu’effectivement ce n’est pas facile de gérer des enfants un peu difficile que
les moyens manquent, que les maîtresses font ce qu’elles peuvent, etc. et elle
me conseille avec beaucoup d'honnêteté de tout faire pour mettre ma fille dans le privée,
ce sera plus facile pour elle. J’en parle à notre nouvelle pédiatre, qui nous
envoie consulter un pédo-psy.
Il m’explique ce que je savais
déjà qu’Anaïs a du mal à trouver sa place et à se défendre, qu’heureusement
elle a quelques copines qui l’aident à se défendre. Qu’il y a des enfants qui
l’embêtent et qu’elle n’ose pas se plaindre, qu’elle ne se sent pas légitime de
dire quelque chose car à l’école on lui explique que ce n’est pas grave. Il ne
prononce pas le mot d’harcèlement scolaire mais me dit qu’il faut faire
attention. Ma fille a peur d’aller à l’école, non pas parce qu’elle ne veut pas
apprendre, bien au contraire elle adore ça, mais parce qu’elle a peur de ce qui
va lui arriver dans la cour et dans la classe. Il me dit que tant qu’elle a des
copines, ça ira et que si l’on sent qu’elle s’isole il faudra agir plus fort.
J’ai repris RDV avec la maîtresse
et la directrice de l’école. J’ai eu peu de répondant de leur part, je suis
ressortie de l’entretien encore plus découragée. Elles ont avoué qu’elles ne
pouvaient pas faire grand-chose, qu’il fallait qu’Anaïs reste à côté des
maîtresses dans la cour et qu’elle apprenne à se défendre. A partir de là, nous
n’avions plus qu’un seul objectif : la changer d’école (et heureusement nous y
sommes parvenu). Tous les matins, nous donnions des consignes assez
hallucinantes à notre fille pour qu’elle se défende un peu plus "si quelqu’un essaye de te serrer ou te porter tu te mets à crier, si on
te tape, tu cries, etc."
Le cri était devenu une sirène d’alarme pour faire fuir
les autres enfants, se protéger et attirer l’attention des adultes présents.
Pour la rentrée en CE2, nous avons
réussi à avoir une place dans l’école privée de notre ville. La rentrée a été
un peu difficile (une petite fille en pleurs qui s’accroche à sa maman, ce
n’est jamais très facile). La maîtresse a été géniale. Elle est venue chercher
ma fille, s’est mise à sa hauteur lui a parlé et lui a donné la main pour
l’accompagner dans la
classe. Le soir, elle est venue m’expliquer que la journée s’était bien
passée mais qu’il y avait eu un incident. Anaïs s’était mise à crier
et à pleurer dans le couloir en rentrant après la récréation. Un garçon lui avait dit qu’elle était petite comme un bébé et qu’elle devait retourner en maternelle. Le petit garçon a été réprimandé pour sa mauvaise blague et elle en a profité en classe pour parler des différences pour leur apprendre que l’on ne juge pas
sur l’apparence.
En à peine 15 jours, ma
fille était métamorphosée : souriante le matin et le soir, contente de
nous raconter sa journée et elle avait de nouvelles copines (chose qu'elle n'avait pas réussi à faire en 2 ans dans son autre école). Elle m’a
même dit un jour que nous étions toutes les 2 « Maman, c’est bien cette
nouvelle école, c’est pas le bazar et les autres ils respectent les
consignes ». 7 ans et déjà plus lucide que sa maman :-)
J’avoue que j'ai l'impression de ne pas mettre assez battue pour ma fille. J’avais peur d’être jugée comme une mère
insatisfaite et râleuse. Je me suis contentée d’agir pour limiter l’impact mais
j’ai l’impression de n’avoir rien fait pour changer la situation. Je n’en veux
pas à l’équipe enseignante qui je pense à baisser les bras et oublier de
prendre en compte les individus qu’ils ont en face d’eux pour ne gérer qu’une
classe. Je pense qu’il y a un réel problème d’accompagnement des élèves en
difficultés et que malheureusement ce sont les enfants comme ma fille qui en
pâtissent. Je n’ai pas de solution pour que cela ne se reproduise et je sais
que cela va arriver à d’autres enfants mais je peux juste dire aux parents de
ne pas culpabiliser, de ne pas laisser faire et de protéger leurs enfants. L’école
n’est pas un sanctuaire, vous avez le droit de demander des explications, d’exiger
des changements, d’y prendre part. Même si cela n’est pas facile .......
....................... mais qui a dit
qu’avoir des enfants c’était facile !